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Changer d’orientation

Une nouvelle orientation pour changer l’université

Notre projet est tout entier structuré par la conviction que nous devons changer pour une université humaine, confiante et innovante, apte à conduire une politique cohérente construite à partir des principes de fonctionnement suivants.

Une université humaine

Une université de sciences humaines et sociales ne saurait renoncer à son humanité sans perdre ses humanités ; notre projet se veut d’abord et avant tout un projet réellement inclusif, tenant compte de chacune et de chacun sans toutefois réduire les individus à leurs singularités (quelles qu’elles soient). Il est important de réaffirmer que l’ensemble des catégories de personnels travaille de concert à un même but, cette interdépendance structurant l’écosystème universitaire. Forts de cela, nous avons la conviction qu’il n’y a de dynamique collective possible que construite à partir des initiatives et expériences des UFR, des instituts et des laboratoires que l’université doit encourager et soutenir sans s’y substituer. Les politiques doivent trouver leur initiative au plus près de leur terrain d’application ; c’est la garantie de leur adéquation avec les besoins constatés et une manière de redonner du sens au travail de l’ensemble des personnels de l’université. En ce sens, l’université doit fonctionner selon un principe de subsidiarité, c’est-à-dire que chaque action pouvant être opérée au plus près de l’usager doit l’être tandis que les fonctions supports doivent se concentrer sur le pilotage et la définition de la stratégie de l’établissement. Ce principe nous apparaît une condition sine qua non de l’équilibre global de la communauté universitaire.

Cette subsidiarité alimentera la mise en œuvre d’un fonctionnement beaucoup plus décentralisé de l’université. Si nous ne nions pas la nécessité d’une rationalisation du fonctionnement de l’université, nous affirmons que l’amélioration de sa gouvernance n’a de sens que si elle facilite le travail des membres de la communauté et vise toujours à concrètement optimiser la manière dont nous accomplissons nos missions d’enseignement et de recherche. Les réformes de pilotage doivent ainsi être systématiquement évaluées à l’aune de leur apport concret dans la mise en œuvre de nos missions.

Subsidiarité et décentralisation ne prennent corps et sens que si l’on admet la nécessité d’une approche différenciée permettant de mieux comprendre les enjeux propres à chaque spécialité et de développer des politiques équitables, mais moins uniformes, où chacun puisse trouver sa place. Les spécialités de l’établissement ne peuvent pas être décrétées depuis le centre ; ce sont les acteurs (enseignants-chercheurs et chercheurs) et les entités (UFR, instituts et équipes de recherche) qui sont les plus à même de les déterminer, à charge pour les fonctions supports de mettre à leur disposition des dispositifs souples et adaptables ainsi que de les accompagner dans leur montage. Il est nécessaire de permettre à chacun de pouvoir prendre en compte son environnement spécifique et d’y répondre.

Une université confiante/de la confiance

Nous affirmons que l’université doit reposer sur une confiance mutuelle et réciproque. Confiance entre les services centraux et les UFR, instituts et unités de recherche. Confiance dans chacun des membres de notre communauté, quel que soit son statut, afin que chacun se sente respecté et puisse s’épanouir et s’investir dans ses fonctions. Cette confiance devra se traduire dans la politique de promotion des personnels de l’université. Un équilibre doit ainsi être trouvé entre recrutement extérieur (porteur d’une vision neuve et régénérante) et promotion interne des personnels les plus méritants et investis afin que l’université puisse proposer de véritables évolutions de carrière à celles et ceux qui le souhaitent. Cette confiance donnera un véritable sens aux dialogues au cœur de l’université à laquelle nous aspirons ; elle rétablira les conditions de la pluralité des vues car un problème n’appelle jamais une seule solution et permettra une réelle co-construction des politiques menées par l’université. Cette confiance nourrira enfin les espaces d’autonomie qu’il convient de laisser à chacun.

Nous ne pourrons pas bâtir la grande université à laquelle nous aspirons sans restaurer des relations de confiance avec les autres acteurs du site avec lesquels nous avions pourtant appris à travailler au cours des dix dernières années et avec lesquels nous avions réussi de belles choses. Il s’agit ainsi de renouer le dialogue avec nos partenaires institutionnels engagés dans la création du futur établissement-cible. Le jury IDEX a confirmé que l’École normale supérieure ne représentait pas l’ensemble des sciences humaines et sociales, rappelant en creux que notre université est le bastion de ces disciplines. Conscients de cet atout, il faut mener des discussions ouvertes permettant de faire valoir notre expertise et l’impossibilité de toute politique d’excellence en SHS sans Lyon 2. Cela dit, il faudra également envisager les conditions d’un rapprochement avec l’université-cible. Celui-ci ne pourra pas se faire à n’importe quel prix, Lyon 2 devant pouvoir faire valoir ses atouts et obtenir des garanties concernant les carrières de l’ensemble de ses personnels. De façon plus large, notre université doit réinvestir les partenariats avec les autorités publiques, qu’il s’agisse des collectivités territoriales avec lesquelles il nous faut co-construire les solutions permettant d’améliorer les conditions d’études et de travail de nos étudiantes, étudiants et personnels, ou des acteurs culturels et associatifs afin d’ouvrir notre communauté sur son environnement et inciter nos étudiants à se placer au cœur de la cité, ou bien encore des acteurs socio-économiques sans lesquels nos formations perdent une grande part de leur raison d’être (que l’on pense aux stages, à nos nombreux professionnels vacataires, etc.). L’université doit ainsi s’ancrer dans son territoire afin de s’y épanouir et de jouer son rôle au sein de la cité. Assise sur son territoire, notre université pourra développer une politique d’internationalisation assumée, encourageant la mobilité de nos étudiantes et étudiants, stimulant les initiatives structurantes à l’étranger et favorisant les mobilités de l’ensemble des personnels qui le souhaitent.

Une université innovante

Parce que l’humain revient au centre et que chacun peut s’y exprimer pleinement, notre projet repose enfin sur la conviction que l’innovation doit être au cœur des règles de fonctionnement de l’université et des projets pédagogiques et/ou du développement de la recherche. Nous pensons que l’université doit mettre à disposition de la communauté des outils agiles et souples encourageant celui qui le souhaite à prendre l’initiative tout en assurant à celui qui a d’autres préférences de pouvoir être soutenu de manière plus classique.

Cela doit aboutir à une vision ouverte de l’université. Développer des modes de financement alternatifs pour la recherche, à l’instar de ce que font déjà de nombreuses universités, permettre des approches pédagogiques très novatrices, offrir aux étudiantes et étudiants de nouvelles possibilités pour assurer leur insertion professionnelle (alternance, projets in vivo, augmentation du nombre et de la durée des stages, année de césure-stage, etc.). Notre université doit ainsi répondre aux enjeux sociaux et sociétaux et rester à la pointe pour offrir le meilleur à toutes ses étudiantes et tous ses étudiants.

L’innovation doit également être placée au cœur de nos formations, et ce dès le premier cycle. Il faut ainsi renforcer la dynamique en ce sens en clarifiant les différents enjeux de ces défis :

  • défis pédagogiques : il faut former les personnels qui le souhaitent ;
  • défis juridiques : il nous faut définir un régime du droit d’auteur encourageant l’investissement des enseignants-chercheurs et enseignants ;
  • défis financiers : il faut définir le mode de valorisation des enseignements innovants au sein des formations, notamment les enseignements distanciels ;
  • défis techniques : il nous faut mener une réflexion sur le Service de pédagogie du supérieur en concertation avec les agents rattachés à ce service et l’ensemble de la communauté.

Forts de ces principes, nous entendons mettre en œuvre un projet, profondément humaniste, reposant sur la conviction que l’université vit de l’investissement de ses personnels dans l’accomplissement d’une mission commune : favoriser l’accès aux savoirs du plus grand nombre à travers des enseignements ouverts, diversifiés et de qualité, qui professionnalisent ses étudiantes et étudiants pour leur garantir le meilleur accès au marché de l’emploi et une recherche ambitieuse et connectée aux enjeux sociétaux contemporains. L’université doit ainsi redevenir un lieu de dialogue ouvert à la pluralité sans que jamais l’anathème n’y trouve droit de cité. Ce dialogue doit être admis en interne et ouvert vers l’extérieur car il est la condition de la restauration de la place de Lyon 2 dans ses rapports avec ses partenaires.

Nous appelons toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans ces principes et qui souhaitent changer les conditions dans lesquelles nous travaillons à nous rejoindre pour construire une université humaine, confiante et innovante à laquelle nous serons toutes et tous fiers d’appartenir.

Un collectif d’enseignants-chercheurs, d’enseignants, de chercheurs et de personnels administratifs désireux de changer pour une université humaine, confiante et innovante

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Un diagnostic partagé

Notre université, comme de nombreuses autres, évolue dans un contexte marqué par une augmentation incessante des pressions et des contraintes, se répercutant sur l’ensemble du fonctionnement de l’université, aussi bien dans le domaine de l’accueil et de la formation des étudiantes et des étudiants (où les transformations réglementaires n’ont cessé de se succéder ces dernières années) que dans celui de la recherche (financements, exigences en termes de production scientifique, etc.). Face à cette réalité, plusieurs attitudes et choix politiques sont possibles pour notre établissement. Le collectif que nous formons rassemble des enseignants-chercheurs, des enseignants et des personnels administratifs convaincus que notre université a évolué ces dernières années dans des directions qui n’ont fait qu’amplifier – au lieu de tempérer – un mouvement latent dont la manifestation est de rendre toujours plus difficile l’accomplissement quotidien de nos missions administratives, d’enseignement et de recherche.

Le pilotage et la procédure comme seul horizon

La gouvernance actuelle repose sur un renversement de valeurs qui transforme les moyens (se doter de règles de bonne gouvernance et de pilotage) en finalités : gestion par les coûts ou encore multiplication des procédures dont la principale justification est d’accentuer l’emprise de l’université sur la vie collective, prenant trop peu en considérations les alourdissements opérationnels générés dans la mise en œuvre de nos missions. Le souci affiché d’égalité et les pratiques de « consultation » et/ou de « discussion collective » (laquelle consiste bien souvent à prendre connaissance de décisions censées refléter des attentes dont on peine à identifier l’origine et les clés de prises de décision) ne suffisent pas à masquer les limites et défauts de ce mode de gestion. La multiplication des procédures, plutôt que de conduire à faire travailler réellement ensemble différents services selon une logique constructive, a pour conséquence de cloisonner les rapports entre services, mais également avec les étudiantes et les étudiants, et d’alourdir ainsi le travail de tous sans créer de valeur commune, dégradant au contraire le sens des fonctions assurées par les différents services. Il en résulte une évolution à la fois négative et génératrice de démotivation et de perte de sens.

La réorganisation permanente des services centraux, justifiée au nom de la nécessaire efficacité du pilotage de l’établissement, conduit à l’accroissement des fonctions supports tant en termes de ressources qu’en termes de compétences centralisées. Loin de valoriser l’expertise reconnue et incontestable des équipes, cet incessant mouvement n’améliore guère les conditions de travail des agents (le turn-over s’étant sensiblement accru au cours des dernières années). L’objectif d’un pilotage correct s’impose comme la considération première ; l’essentiel des politiques vise dès lors la satisfaction des outils et indicateurs. Ce mode de gestion, rompant avec ses présupposés affirmés, inverse le rapport d’instrumentalité au cœur de tout projet humaniste : l’outil est censé servir mais non décider. Or, ce ne sont plus des raisonnements construits qui posent des stratégies, mais des métriques et des systèmes informatiques qui guident, voire sanctionnent l’action. Cela explique que tout un chacun peut régulièrement se voir répondre, au terme d’une curieuse personnification, qu’APOGEE ou OSE ne peut pas, n’autorise pas, etc.

Parallèlement, les UFR, instituts et unités de recherche, assimilés et réduits à leur plus simple expression de composantes du Tout que constitue l’université, ont vécu une inexorable relégation de leur autonomie, caractérisée tant par la réduction drastique de toute capacité de planification stratégique et d’investissement que par une politique de ressources humaines toujours davantage centralisée. Les UFR, instituts et unités de recherche ont vu leurs possibilités d’action se réduire jusque dans le détail de considérations toujours plus contraignantes, ainsi que l’illustre entre autres, le durcissement des calendriers. Qu’il s’agisse du calendrier d’adoption des modifications des maquettes de formation dont le vote est passé du printemps à la fin de l’automne précédent, alors même que les modifications sont moins nombreuses en fin de contrat qu’à son lancement. Ou qu’il s’agisse encore du calendrier budgétaire imposant que les demandes des UFR, instituts et unités de recherche soient communiquées de plus en plus tôt, au début de l’été, vidant de toute portée le vote de leur budget par leurs conseils, et fragilisant ainsi la vie démocratique de l’université.

L’illusion de la concertation

On pourrait à la rigueur admettre cette évolution si celle-ci se concrétisait dans un projet politique intelligible par la communauté, réellement inclusif et transparent, donnant sa place à l’ensemble des disciplines. Or, la centralisation à l’œuvre, dont l’efficacité est contestable (que l’on songe à la politique d’achat par exemple), ne semble guère portée par un véritable projet pour notre université. Certes, l’égalité est souvent invoquée, et nous pensons que l’instauration de mécanismes de péréquation permettant de résorber des déséquilibres qui entravent le développement d’UFR, instituts ou unités de recherche est une nécessité pour que l’idée même de communauté universitaire ait un sens. L’action dans ce domaine ne saurait pour autant tenir lieu, à elle seule, de feuille de route et justifier de ne pas trancher quand la décision semble ouvrir une voie vers la pluralité des solutions, ou bien d’imposer l’homogénéité et l’identité des propositions appliquées à des situations au demeurant fort différentes. Ce constat est particulièrement fort lorsque l’on considère la politique de formation, qu’il s’agisse du maintien coûte que coûte de l’uniformité des portails ou des modalités d’enseignement des langues en licence. Cette situation rend difficile, à l’évidence, tout apprentissage d’une langue de spécialité disciplinaire alors même que l’on nous somme de professionnaliser et d’internationaliser nos formations. Le cadrage de la prochaine accréditation ne rompt pas avec ce constat ; lancée avec des boîtes à idées, l’accréditation se poursuit avec une série de rencontres avec les UFR et instituts sans qu’aucune proposition véritable d’un projet de formation n’ait été formulée en dehors de considérations de coûts et d’organisation structurelle. Où quand la procédure et les questions techniques épuisent la politique menée…

On ne multipliera pas davantage les exemples illustrant le caractère dommageable de cette réduction du projet politique à des considérations organisationnelles et procédurales. Conjuguée à la passion pour l’homogénéité déjà mentionnée, elle a pour conséquence de passer entièrement sous silence le fait que nos disciplines sont très diversement touchées par l’évolution institutionnelle actuelle du site. La création de pôles de spécialité, sans concertation véritable avec les UFR, instituts et équipes de recherche, relève également de cette vision globalisante. Ces pôles, et leur finalité, restent d’ailleurs largement incompris par notre communauté. Ils semblent procéder d’une attitude de repli sur soi dont l’un des effets est de couper nombre de disciplines de leurs attaches à l’extérieur. Ils donnent également le sentiment à une partie des disciplines de devenir transparentes et marginales au sein de l’établissement. Qu’y avait-il d’impossible au fait de travailler de concert à un positionnement ouvert de l’établissement et à la valorisation de l’ensemble de nos forces disciplinaires et thématiques jusqu’à la nomination des pôles et l’élection démocratique de leurs membres ? La question peut tout autant être posée s’agissant de la manière dont le projet d’établissement a été conçu, après plus de deux années de mandat. Les quelques groupes de travail qui en sont issus, loin d’en effacer le caractère centralisé et globalisant, confirment au contraire que ce projet a été conçu de façon verticale descendante, cherchant moins à associer et à organiser le pluralisme disciplinaire qu’à forger un moule dans lequel chacun doit s’intégrer et que les services (centraux et composantes) doivent servir. Il en résulte que, malgré l’ambition affichée de construire une véritable politique d’établissement, ce projet s’est épuisé dans ses conditions de mise en œuvre sans apport de fond, corroborant que, là encore, les moyens ont dévoré les fins. À défaut de projet véritablement politique lui donnant sens, la centralisation se réduit en somme à « bien gérer » l’université, dans un contexte où les dispositifs « démocratiques » à l’œuvre ne contrebalancent pas la tentation managériale.

La gestion, tout aussi importante qu’elle soit, ne saurait être un but en soi ; elle est un moyen au service d’une politique de formation et de recherche qui permet que chaque membre de notre communauté, qu’il soit personnel administratif, enseignant ou enseignant-chercheur, trouve un sens à l’exercice de ses missions et que notre université soit engagée dans une dynamique positive. Ce sens doit être partagé pour avancer tous ensemble. Dans la situation actuelle, les personnels s’opposent parfois parce que ce sens partagé fait défaut. 

C’est pourquoi, au terme de quatre années de faux-semblants démocratiques, il nous semble fondamental d’ouvrir une alternative et de changer la manière dont l’université fonctionne et remplit ses missions afin de construire une université humaine, confiante et innovante.