Gouvernance et vie des campus

Des principes de fonctionnement simples et transparents pour une communauté unie

« Votre centralisation c’est l’apoplexie au centre et la paralysie dans les extrémités. » (Lamennais)

Rapportée à notre université, la sentence se traduit très concrètement :

  • Dans le fonctionnement quotidien : surcharge des services supports (aussi bien en central qu’en UFR ou instituts) dont les fonctions croissent de façon démesurée au service des nouveaux outils ; perte de sens et d’envie dans les services opérationnels dont les fonctions se vident corrélativement et qui peinent à servir les étudiantes et étudiants ; multiplication des groupes de travail « Théodule » dont les travaux sont trop souvent dépourvus de suite visible… Autant de travers renforcés par une communication défaillante, une propension à travailler en silo et un recours démesuré aux cabinets extérieurs.
  • Dans le fonctionnement des instances : des conseils qui perdent leur sens à défaut de se sentir utiles et de pouvoir discuter ou débattre de la stratégie de l’établissement.

Il en résulte un constat sans appel pour le fonctionnement de l’université : ce n’est pas en invoquant à tout bout de champ le mot « participation » que l’on suscite l’adhésion de la communauté, laquelle s’épuise dans les travaux préparatoires plutôt que dans le service rendu à nos usagers. Une telle situation invite à proposer des principes de fonctionnement authentiquement mobilisateurs et démocratiques.

Il est en effet possible de construire un autre modèle de gouvernance de notre université à partir de principes simples et transversaux, garants de la cohésion et de l’unité de la communauté, et permettant un échange constructif entre collègues.

Construire une université démocratique, pluraliste et transparente

Une réelle démocratie ne peut se construire sans les instances qui en sont l’expression institutionnelle. Pour rendre tout son intérêt aux travaux des conseils, il convient tout d’abord de les associer aux choix stratégiques de l’université. L’ordre du jour des conseils doit ainsi comprendre à chaque séance un point de discussion des enjeux stratégiques. Il est à ce titre anormal que la partie C de l’ordre du jour du Conseil d’administration n’entraîne pas de réels débats stratégiques.

Plus encore, les conseils doivent pouvoir désigner en leur sein des commissions transversales leur permettant, quand ils le souhaitent, de s’approprier les projets évoqués et de les évaluer avec l’appui des services, mais sans la tutelle de la présidence. Les conseils doivent dans le même temps devenir un lieu de partage et de meilleure connaissance mutuelle. La pratique, excellente, de la commission Recherche de consacrer un point de son ordre du jour à la présentation d’un projet porté par l’une des unités de recherche pourra être étendue à la CFVU et au Conseil des directeurs de composantes : les UFR, instituts et unités de recherche pourront, en synergie avec l’établissement, développer ainsi une connaissance partagée et complémentaire. Une attention particulière doit être apportée au Conseil des directeurs et des directrices afin qu’il retrouve une fonction d’impulsion, de force de propositions, et de stratégie pour cesser d’être un lieu d’informations verticales descendantes. De la même manière qu’une tête ne pourrait courir un marathon sans mobiliser ses jambes et ses bras, l’organisation de notre université doit partir du principe que notre établissement ne peut plus déterminer et conduire ses politiques sans s’appuyer sur ses composantes.

Enfin, il n’y a pas de démocratie universitaire sans dialogue et concertation avec les partenaires sociaux. Porteurs des différents intérêts des corps constituant la communauté, ils doivent être associés au fonctionnement de l’université par des concertations régulières dans le cadre des conseils, mais aussi sur toutes les réformes structurantes. Nous serons particulièrement vigilants à ce que la réforme des CHSCT/CTE (création du Comité social d’administration) ne se traduise pas par une rupture du dialogue social, mais qu’elle s’accompagne de dispositifs permettant de conforter celui-ci (création de commissions thématiques, meilleure reconnaissance du statut des membres de cette instance).

Ces propositions placent la combinaison de l’un et du multiple, c’est-à-dire le pluralisme, au cœur du fonctionnement de l’université afin que chacune et chacun participent dans le respect de ses caractéristiques singulières (disciplines, composantes, statuts, choix de carrière, etc.). Un des principes forts du fonctionnement que nous proposons est donc une réelle inclusion de toutes et tous.

Une telle politique implique par ailleurs de placer la confiance au cœur du fonctionnement de l’établissement, mais aussi de renforcer la transparence dans le fonctionnement des conseils et de notre institution. Il n’y a pas d’université forte et efficace sans organes de délibération forts et efficaces. Il convient en conséquence de toujours favoriser la parole dans les conseils afin d’associer le plus largement possible l’ensemble des parties prenantes. Si l’on s’autorise une image astronomique, il faut ici affirmer que la présidence ne peut pas devenir un trou noir institutionnel, mais doit demeurer une étoile stabilisant son système orbital. Il appartient donc à la présidence d’encourager le dialogue et la délibération au sein de l’ensemble des instances en favorisant la plus grande transparence possible sur son action : la politique qui consiste à aspirer les propositions des collègues sans retour ni discussion ne leurre plus personne et doit cesser. À titre d’exemple, trop de principes guidant la prise de décision demeurent opaques malgré les demandes réitérées d’en connaître le contenu (que l’on songe au périmètre des pôles de spécialités ou aux propositions des différents groupes de travail constitués depuis deux ans). Il convient au contraire de faire connaître à l’ensemble de la communauté les règles ou critères présidant à la prise de décision. Une telle transparence permettra à chacun de mieux situer ses demandes dans la politique de l’université et de mieux comprendre les décisions prises. Ces principes sont les conditions d’une réelle association de chacune et de chacun à la construction de la communauté et de sa politique.

Promouvoir la transversalité et le respect des identités

La transparence ainsi promue doit favoriser la transversalité dans le fonctionnement de l’établissement, à deux niveaux :

Tout d’abord entre services. Le fonctionnement est aujourd’hui trop segmenté. Il l’est d’abord horizontalement : le fonctionnement en silo demeure un obstacle à l’agilité de notre établissement. Il convient de développer des dispositifs de simplification (comme un guichet unique pour les procédures relevant de plusieurs services) et des pratiques beaucoup plus transversales et coordonnées. Le fonctionnement est également segmenté de façon verticale entre les fonctions supports et opérationnelles. Les procédures de gestion des ressources humaines ont ainsi été beaucoup centralisées, au détriment d’un réel management en UFR/institut, la mise en œuvre d’outils informatiques intégrés privant par ailleurs les UFR/instituts de leurs marges de manœuvre. La mise en œuvre des nouveaux outils doit davantage viser à renforcer la capacité opérationnelle des UFR, instituts et unités de recherche avec le soutien, et sous le contrôle, des services supports, garants d’un fonctionnement global correct. En somme, un pilotage efficace qui n’empiète pas sur l’autonomie des services car, fondé sur la confiance, il se donne les moyens de corriger les éventuels errements.

Ensuite entre UFR, instituts et unités de recherche. Il est très difficile à chacun d’obtenir des informations sur les autres, l’information diffusée étant extrêmement compartimentée. Cette opacité nourrit au mieux la méconnaissance (combien de fois entend-on « si j’avais su que vous faisiez cela… » ?), au pire les fantasmes favorisant la défiance (l’autre est toujours mieux traité, plus riche, etc.). La transparence, associée à une meilleure communication interne, permettra de résorber ces travers et de bâtir une communauté davantage consciente d’elle-même et des règles qui la régulent. Une communauté consciente des différences qui existent en son sein sera bien plus capable de solidarité qu’une communauté traitée de façon égalitaire au sein de laquelle les prélèvements sont perçus comme confiscatoires et peu incitatifs. La solidarité, sans laquelle il n’existe pas de communauté, sera construite sur une politique de péréquation équitable et encourageant les initiatives sans lesquelles il n’y a en fait aucune ressource à répartir.

Le fonctionnement de l’université doit également tenir compte de l’identité de ses composantes. Il ne s’agit pas de mesures élaborées, mais au contraire de pratiques simples qui changent le quotidien.

Par exemple, pour la gestion du patrimoine, il faut chercher à composer le pool des salles de chaque composante dans le périmètre de son bâtiment ou en périphérie immédiate de celui-ci. Procédé peu complexe pour donner consistance à l’environnement de travail des étudiantes et étudiants et favoriser leur acclimatation à l’enseignement supérieur. Il faudra aussi associer les composantes aux décisions prises concernant les bâtiments qu’elles occupent. Procéder ainsi ne revient pas à fragiliser l’université, mais au contraire à mieux l’ancrer dans la réalité quotidienne des équipes et des étudiantes et étudiants.

Autre exemple de prise en compte de l’identité des composantes dans le fonctionnement de l’université, il faut que les directions des composantes soient systématiquement informées sur les dossiers en cours et non multiplier les relations bilatérales et sectorielles (avec le responsable RI, avec la responsable du portail, etc.). Un tel fonctionnement en silo désagrège les politiques menées et freine les synergies qu’une vision transversale rend perceptibles. Cet effort d’information, là encore, n’affaiblit jamais le pilotage, mais au contraire garantit à la fois la vigueur de la vie démocratique de l’université (faut-il rappeler que les directions des UFR, instituts et unités de recherche sont élues par la communauté ?) et la cohérence de la politique menée dans les champs disciplinaires. Le respect par l’université de l’identité de chacune de ses composantes devrait permettre de mieux adapter les politiques menées aux besoins réels de la communauté.

Adopter une politique fondée sur le collégial en lieu et place du collectif 

Une dernière évolution doit enfin être entreprise. Elle peut paraître principielle et abstraite, elle est en réalité matérielle et concrète car elle conditionne les interactions au sein de notre communauté. Il convient ainsi de promouvoir la « discussion collégiale » en lieu et place de la « discussion collective » promue depuis quatre ans. L’université n’est pas un collectif d’individus au service d’une cause, mais une communauté de collègues œuvrant à la formation et à la recherche. La collégialité porte en elle les valeurs d’égalité, de libre parole et de respect réciproque. Elle associe l’œuvre de chacune et de chacun dans l’accomplissement de l’ensemble et rompt avec l’indifférenciation et l’interchangeabilité de tous inhérente au collectif. Elle fonde une communauté des pairs, organisée de façon ouverte et plurielle. Une communauté des pairs fonctionnant sur des principes démocratiques, seuls capables de pacifier sa vie commune et de rendre à Lyon 2 ses caractères auxquels nous tenons tant.

Principes d’action

La gouvernance de l’université sera construite autour des principes suivants :

  • Associer les instances aux choix stratégiques de l’université.
  • Permettre aux instances de constituer des commissions hors gouvernance pour s’approprier un dossier.
  • Garantir la transparence de la vie institutionnelle.
  • Promouvoir la transversalité et favoriser le décloisonnement dans le fonctionnement des services supports.
  • Tenir compte de l’identité des UFR, instituts et unités de recherche.
  • Rompre avec le collectif au profit de la collégialité.