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Communiqué

Une rentrée en présentiel, une préparation en faux-semblants…

La communauté peut être soulagée ! Après des semaines d’incertitude, « la rentrée s’effectuera donc dans des conditions normales » (mail de la présidence du 16 juin 2020). Notre liste militait en ce sens dans un texte diffusé le 28 mai dernier et nous ne pouvons que nous féliciter du souhait de Lyon 2 de « ne [prendre] aucune décision qui nous placerait en marge de ce qui se passe dans la société et qui imposerait à la communauté universitaire des contraintes sanitaires plus fortes que celles qui seront préconisées au niveau national ».

Cela étant dit, à moins de trois semaines de la fermeture de l’université pour des vacances que notre communauté a plus que méritées, l’annonce du présentiel n’a pas permis de soulager les équipes des incertitudes. Une fois encore, dans la tempête, la politique de la godille est privilégiée tandis que le cap demeure bien incertain, le capitaine peinant à naviguer par gros temps.

Les principales incertitudes concernent les outils et les salles disponibles. La proposition faite récemment aux enseignants de tester, à grande échelle et individuellement, en juillet, des outils d’hybridation pédagogique interpelle dès lors qu’il a été annoncé que les amphis seraient tous équipés (plausiblement du même et unique outil). Premier faux-semblant selon lequel la gouvernance annonce une rentrée en présentiel, mais mène une politique d’hybridation reposant davantage sur l’adaptation individuelle (l’enseignant devant son ordinateur) que sur celle de l’établissement. Une fois encore, au lieu de soulager la communauté, l’université s’appuie sur l’adaptabilité individuelle, au risque de dégrader les conditions de travail et de qualité des enseignements dispensés. La lecture du message du 16 juin, complété par la note du 25 juin, laissait pourtant espérer une organisation sans exigence nouvelle pour les enseignants. Le présentiel des étudiants sera, en outre, un présentiel à éclipses, dès lors qu’une semaine sur deux, l’étudiant se trouvera devant son écran et non dans l’amphithéâtre. Par ailleurs, pour de nombreux étudiants des licences proposées sur le campus BDR, nombre de CM ne seront dispensés qu’à distance en raison du retard pris dans les travaux des amphis Say, Aubrac et Benveniste, lesquels seront indisponibles pendant au moins la moitié du semestre… Dans ce contexte, il serait urgent de définir une véritable politique de vie des campus pour contrecarrer le risque élevé que l’étudiant se « contente » de la diffusion du cours plutôt que de venir y assister, ouvrant la voie, si le dispositif n’est pas suffisamment accompagné, à la fragilisation des publics en difficulté.

Ces tests, tardifs, ne permettront pas d’anticiper la montée en charge à venir en septembre, ni même d’expérimenter le fonctionnement dans les amphis.

En outre, malgré la grande qualité des documents mis à disposition sur Moodle par le service de pédagogie du supérieur, force est de constater que cette politique de tests ressemble davantage à une incitation à de l’auto-formation qu’à la politique de formation annoncée au début du mois de juin. Les enseignants-chercheurs et enseignants ont pourtant besoin d’une véritable formation, comme cela est déjà proposé dans de nombreux autres établissements d’enseignement supérieur. Or, les choix de continuer à essayer les outils repoussent d’autant la possibilité matérielle de former les équipes et dissimulent mal l’incapacité à trancher d’une équipe présidentielle parasitée par sa campagne permanente et la crainte corollaire de perdre des soutiens. Tout cela nous conduit à nouveau à courir après le temps qui passe et renforce le sentiment d’épuisement des équipes.

Enfin, nous affirmons qu’il est impératif que notre université prenne des positions claires sur la protection des données. Refuser que Microsoft stocke nos données sur ses serveurs dans le cadre de l’utilisation de Teams doit être salué ; il faut toutefois aller plus loin et adopter une position de principe selon laquelle l’outil retenu ne doit en aucun cas utiliser nos cours pour faire progresser des algorithmes de reconnaissance faciale, conformément aux valeurs humanistes de notre communauté. Il n’est par ailleurs pas tenable à long terme d’externaliser nos savoir-faire ou d’emprunter les modules d’enseignement faits par d’autres ; nous devons au contraire décider de retenir une solution qui nous permette de conserver la maîtrise de nos outils, de leur développement et la spécificité des enseignements dispensés à l’université Lumière Lyon 2. Nous devons retenir une solution éthique qui nous permette de conserver notre crédibilité au regard des politiques de réforme universitaire en refusant tout ce qui conduit à une privatisation, même indirecte, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Au-delà des outils, la position de notre gouvernance se heurte à une difficulté qui tient à vouloir mener une politique structurante sans horizon de temps autre que la gestion de la crise. Procéder à l’aménagement des amphis pour les mettre en capacité d’assurer une vidéo-projection en ligne est une décision structurelle ; elle devrait donc s’inscrire dans une politique pluriannuelle et, au premier chef, être corrélée à la préparation de la prochaine offre de formation. Or, en dépit d’un dévouement incroyable des équipes, le maintien d’un fonctionnement en silo conduit à nouveau à perdre du temps, à la fois sur la préparation de la rentrée, sur l’accréditation et sur la politique numérique.

Le retard pris en la matière est d’autant plus regrettable qu’il résulte de choix politiques adoptés depuis quatre ans. La reconstitution en urgence d’une équipe d’enseignants-chercheurs dédiée à accompagner l’évolution numérique de nos formations revient à réanimer une cellule qui existait au début du mandat et qui a été supprimée par l’équipe actuelle. De façon analogue, la création d’un réseau de correspondants « hybridation » réanime un réseau dissout au début de la mandature de l’équipe présidentielle. Ces constats conduisent à une conclusion sans appel : nous avions les moyens d’être prêts techniquement et pédagogiquement ; notre retard résulte d’une erreur de stratégie dans la politique numérique de l’université et de l’incapacité de la gouvernance d’avoir élaboré un plan de gestion des crises (les nombreuses fermetures administratives et blocages qu’a connus notre université auraient pourtant dû être l’occasion de concevoir un plan de continuité d’activité détaillé et minutieux).

Nous appelons de nos vœux un changement radical. La préparation de la rentrée éclaire d’une lumière crue les faux-semblants de l’AGIR de Lyon 2. Loin des valeurs affichées, notre université doit cesser d’être un établissement à réaction. Nous devons agir de manière raisonnée, parce que la politique du numérique et de l’hybridation est une politique engageante, coûteuse et questionnant les conditions de travail de l’ensemble de notre communauté tout autant que l’identité de notre université qui doit s’affirmer comme un moteur des Humanités numériques. Nous devons être capables d’affronter tous ensemble les crises qui se présentent à nous, mais aussi et surtout de mettre en place une politique basée sur la confiance et l’innovation pédagogique plus que jamais nécessaire pour faire face aux défis contemporains – au premier titre desquels la place du numérique dans nos formations – tout en préservant nos valeurs humanistes.

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Communiqué

Rentrée 2020 : il est encore temps de changer…

Suite à l’entretien de Frédérique Vidal dans Le Parisien le 7 mai 2020, confirmé par la Fiche DGSIP adressée le 25 mai 2020, il est désormais acquis que la rentrée ne se fera pas dans des conditions habituelles et que le premier semestre sera proposé « à distance » ou, du moins, sous forme « hybride ».

Il convient d’affirmer que le contexte que nous connaissons, aussi singulier et inédit soit-il, ne peut justifier un ensemble d’évolutions que nous rejetterions si elles nous étaient proposées dans un contexte « normal ». Indépendamment des nécessités liées au COVID-19, toute nouvelle modalité d’enseignement doit répondre à un projet pédagogique et non à un projet sanitaire. La liste « Pour une université humaine, confiante et innovante » souhaite que l’Université Lyon 2 affirme clairement ce point comme présupposé de toutes les réflexions et des mesures qui seront mises en œuvre. Elle appelle ainsi l’université à définir de manière urgente le cadre temporel et pédagogique dans lequel les évolutions doivent être conçues. La préparation de la rentrée ne pourra pas prendre la forme gestionnaire et technocratique que nous connaissons depuis le début de la crise sanitaire.

Les défis que nous devons relever impliquent de rendre sa profondeur au temps. Il faut cesser de ré-agir ; il faut anticiper grâce à des décisions claires qui respectent le travail et l’engagement de tous les personnels. Notre université doit se doter de lignes directrices conciliant cohérence générale et souplesse laissée aux équipes pédagogiques et administratives. À cette fin, comment ne pas regretter la décision, dès le début du mandat actuel, de supprimer le Service Innovation Pédagogique & Usages du Numérique ? Suppression qui a eu pour effet de freiner les réflexions dans ce domaine que la création d’un service de pédagogie du supérieur, dépourvu de ressources et d’un pilotage ambitieux, n’a pu relancer. La Présidence actuelle a ainsi privé notre communauté d’outils précieux et performants et nous a tous contraint de courir après le temps : temps pédagogique, temps de l’apprentissage, temps de la recherche. Cette décision de stopper le travail engagé se solde aujourd’hui par des étudiants en difficulté, des enseignants et des personnels administratifs en souffrance, des chercheurs empêchés.

Sans concertation, ni explication, la Présidence fixe à tous de manière comminatoire la date du 22 juin pour mettre l’université en situation d’accueillir les étudiants à la rentrée. L’échéance fixée est à la fois tardive et irréaliste.

Tardive car elle conduit l’ensemble de la communauté à « travailler comme si » la situation demeurait classique, préparant les équipes à faire, défaire et refaire. Tardive car elle réduit la mission d’enseignement à une variable d’ajustement du fonctionnement de l’université, confirmant pour les enseignants-chercheurs et les enseignants, déjà très éprouvés par ces dernières semaines, l’hypothèse de « vacances apprenantes » évoquée par le ministère.

Irréaliste en raison de la méthode retenue. Dix groupes de travail, auxquels les lignes directrices seront communiquées d’ici le 29 mai et qui devront rendre leurs conclusions (après environ 3 réunions) en moins de trois semaines. Il appartiendra alors aux équipes pédagogiques de s’approprier ce cadre pour le déployer d’ici la fermeture de l’université et alors que la seconde session battra son plein. Le tout, vraisemblablement à distance. Qu’il nous soit permis de douter que la méthode choisie constitue la réponse souple et agile dont notre communauté a besoin. La méthode déployée par la Présidence pour la rédaction du Projet d’établissement a montré en quoi la multiplication des « GT » est chronophage, énergivore et ne donne aucune prise réelle aux participants et à la communauté sur le résultat final.

À l’opposé, nous avons proposé à plusieurs reprises une solution construite sur la confiance et la subsidiarité, invitant la Présidence :

  • à poser une feuille de route indiquant notamment la manière dont l’université envisage le numérique et les solutions demandées dans le temps : Est-ce une solution ponctuelle ? Une première étape d’un projet plus ambitieux ? Quels seront les moyens déployés au niveau central pour assister les équipes administratives et pédagogiques dans le déploiement de ces solutions ?
  • à co-construire avec l’ensemble des directeurs et directrices de composante les décisions concernant les aspects financiers et statutaires, tout en laissant les questions pédagogiques aux… équipes pédagogiques,
  • à prendre en charge quelques aspects transversaux (comme les relations internationales ou les solutions que l’on peut apporter concernant le travail et le paiement des vacataires – point mort des réflexions à ce stade),
  • à faire confiance aux équipes pédagogiques plus à même de trouver des solutions opérationnelles pragmatiques et correspondant à leurs domaines de formation. Elles sont en effet les plus aptes à réduire au maximum les effets possiblement démobilisateurs de l’enseignement à distance et à pouvoir pédagogiquement ajuster au mieux le suivi proposé, la forme et le degré d’hybridation des formations ainsi que les modalités d’évaluation.  

Si l’on entend faciliter le travail des équipes et des étudiants, il importe très rapidement de déterminer les conditions sanitaires d’accueil. Ici, les atermoiements du ministère ne rendent certes pas la tâche aisée. Mais l’Université Lumière Lyon 2, en tant qu’opérateur autonome, a toute latitude, dans le respect de la loi, d’affirmer sans attendre quelques grands principes (construits à partir des règles sanitaires applicables et affinées dès que l’on connaîtra précisément le cadre réglementaire).

Il n’est ainsi nul besoin d’attendre les consignes du ministère pour affirmer qu’un semestre « principalement à distance » requiert de mettre en œuvre le contrôle continu intégral afin de limiter le nombre d’épreuves, d’alléger la fin du semestre et de rendre sa crédibilité à l’évaluation (à rebours de la session de mai…).

De même, il n’est nul besoin d’attendre l’avis du ministère pour constater qu’il parait impossible de travailler à calendrier constant. L’annonce d’un report de la rentrée (ne serait-ce que de deux semaines) soulagerait dès à présent le travail de l’ensemble des équipes, tout en donnant un cadre clair d’organisation aux étudiants.

La combinaison de ces deux premiers principes doit permettre d’envisager un traitement différencié de nos publics. Le besoin d’accueillir les L1 est largement admis ; l’accueil des formations professionnalisantes doit aussi être favorisé (M2 notamment). Il faut également affirmer clairement que l’ensemble des publics doit bénéficier du présentiel, lequel devra être proposé au maximum de ce qui s’avèrera possible. Il n’est pas admissible, au nom d’une reapolitik financière et d’un pragmatisme du bon sentiment, que seuls les plus fragiles soient accueillis en présentiel. Les publics fragiles doivent recevoir un surplus de soutien afin de les accompagner et de leur apporter une réelle plus-value, mais c’est bien l’ensemble des étudiants qui doit pouvoir venir à l’université et être formé de façon satisfaisante.

Il n’est également nul besoin d’attendre pour d’ores et déjà adapter les dispositifs à la réalité de la vie de nos étudiants et de notre université : choix du maintien d’un emploi du temps étudiant (peut-être différent de l’emploi du temps « ADE » ou « OSE », car les outils servent et s’adaptent, ils ne gouvernent pas), concertation avec les équipes pédagogiques sur les outils à privilégier pour leurs domaines de spécialité, information précise donnée aux enseignants-chercheurs sur la prise en compte de ces évolutions dans leur service.

Il est grand temps que Lyon 2 devienne une université souple dans son fonctionnement, décentralisée et confiante. Ce n’est pas par une procédure lourde et centralisée que nous y parviendrons. Les mesures concrètes que nous proposons permettront à notre communauté de reprendre le contrôle de son destin et de sa capacité à dessiner son avenir.

Plus que jamais, c’est ensemble que nous changerons Lyon 2.

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LPPR : de l’art de s’approprier la décision commune…

Il est des polémiques dont on se dit qu’elles sont vaines, si ce n’est spécieuses. Une liste candidate à sa succession dans les conseils distord l’arrêté électoral en utilisant un droit de suite du Conseil d’administration pour donner une visibilité à l’un de ses textes de campagne (initialement publié sur son site internet mais retiré depuis lors en application dudit arrêté). On connaît des astuces plus graves et on serait prêt à ne pas s’en offusquer si le contenu du texte ne correspondait pas aussi peu à la réalité des instances et n’éclairait pas aussi bien une faculté de s’attribuer indûment la chose commune.

Reprenons.

Les travaux préliminaires du projet de loi de programmation pluriannuelle sur la recherche ont été rendus publics il y a quelques semaines, provoquant de vives réactions de la recherche française, particulièrement des chercheurs et enseignants-chercheurs en sciences humaines et sociales. Le volet « carrière et RH » est tout bonnement inacceptable en l’état en ce qu’il désosse le modèle universitaire français et risque d’engendrer une précarisation des entrants dans la carrière, si ce n’est de l’ensemble du corps des maîtres de conférences. Le constat est quasi-unanimement partagé en France.

Face à ces travaux préparatoires, les équipes de recherche et les conseils de nombreux établissements ont réagi en adoptant des motions exprimant leur vif refus des préconisations des rapporteurs.

Dans ce contexte national, un élu de la liste AGIR a pris l’initiative de soumettre une motion à la commission Recherche (CR). On regrettera que ladite motion n’ait pas été envoyée à l’ensemble des membres de la CR mais à sa seule présidente, l’effet « sortie du chapeau », pratique hélas courante au long de la mandature, n’étant pas à proprement parler une manière d’amorcer une discussion démocratique, égale et inclusive. Cette maladresse mise à part, la discussion s’est déroulée de façon constructive et la motion a été adoptée à l’unanimité des membres de la CR. Le lendemain, le Conseil des directeurs et directrices, organe non partisan, adoptait une version légèrement corrigée du texte, là encore à l’unanimité. Ce que feront également le Conseil d’administration et le Conseil académique. En une semaine, l’ensemble des instances qui se sont tenues a adopté le même texte à l’unanimité, sans que jamais il ne soit présenté comme une initiative partisane et toujours comme une position de la communauté de Lyon 2. La motion adoptée exprime donc l’adhésion de l’ensemble des membres des instances à des valeurs communes qui façonnent l’université.

Si la première mouture de la motion fut bien rédigée par un élu AGIR (il est incontestable que cette personne en eut l’initiative), la magie de la délibération et du travail collégial en fait toutefois non plus la chose de sa plume, mais bien l’expression de toute la communauté.

Vouloir malgré cela s’en attribuer le seul mérite revient à confondre l’intérêt d’un groupe avec celui de l’ensemble des membres de notre communauté. Si cela n’est pas sans rappeler la manière de traiter d’autres dossiers au cours des quatre dernières années, le sujet est trop grave pour que l’on puisse admettre une telle distorsion de la réalité ; la pratique est quant à elle trop fréquente et à l’origine de trop nombreux maux que connaît notre université pour ne pas être vigoureusement dénoncée.

Il convient donc de rappeler avec force et conviction que si l’université est notre bien commun, le produit unanime de ses instances l’est tout autant. Procéder autrement sert peut-être un collectif, mais nie la démocratie collégiale et prend le risque de rompre l’unité de la communauté autour des valeurs fondamentales de l’université française. Résultat dommageable à l’heure où l’ensemble des forces devrait travailler de concert à la préservation de notre statut. La liste Changer pour une université humaine, confiante et innovante œuvrera résolument dans le sens de la préservation des principes structurants de l’organisation et du fonctionnement de l’université républicaine.