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Communiqué

Rentrée 2020 : il est encore temps de changer…

Suite à l’entretien de Frédérique Vidal dans Le Parisien le 7 mai 2020, confirmé par la Fiche DGSIP adressée le 25 mai 2020, il est désormais acquis que la rentrée ne se fera pas dans des conditions habituelles et que le premier semestre sera proposé « à distance » ou, du moins, sous forme « hybride ».

Il convient d’affirmer que le contexte que nous connaissons, aussi singulier et inédit soit-il, ne peut justifier un ensemble d’évolutions que nous rejetterions si elles nous étaient proposées dans un contexte « normal ». Indépendamment des nécessités liées au COVID-19, toute nouvelle modalité d’enseignement doit répondre à un projet pédagogique et non à un projet sanitaire. La liste « Pour une université humaine, confiante et innovante » souhaite que l’Université Lyon 2 affirme clairement ce point comme présupposé de toutes les réflexions et des mesures qui seront mises en œuvre. Elle appelle ainsi l’université à définir de manière urgente le cadre temporel et pédagogique dans lequel les évolutions doivent être conçues. La préparation de la rentrée ne pourra pas prendre la forme gestionnaire et technocratique que nous connaissons depuis le début de la crise sanitaire.

Les défis que nous devons relever impliquent de rendre sa profondeur au temps. Il faut cesser de ré-agir ; il faut anticiper grâce à des décisions claires qui respectent le travail et l’engagement de tous les personnels. Notre université doit se doter de lignes directrices conciliant cohérence générale et souplesse laissée aux équipes pédagogiques et administratives. À cette fin, comment ne pas regretter la décision, dès le début du mandat actuel, de supprimer le Service Innovation Pédagogique & Usages du Numérique ? Suppression qui a eu pour effet de freiner les réflexions dans ce domaine que la création d’un service de pédagogie du supérieur, dépourvu de ressources et d’un pilotage ambitieux, n’a pu relancer. La Présidence actuelle a ainsi privé notre communauté d’outils précieux et performants et nous a tous contraint de courir après le temps : temps pédagogique, temps de l’apprentissage, temps de la recherche. Cette décision de stopper le travail engagé se solde aujourd’hui par des étudiants en difficulté, des enseignants et des personnels administratifs en souffrance, des chercheurs empêchés.

Sans concertation, ni explication, la Présidence fixe à tous de manière comminatoire la date du 22 juin pour mettre l’université en situation d’accueillir les étudiants à la rentrée. L’échéance fixée est à la fois tardive et irréaliste.

Tardive car elle conduit l’ensemble de la communauté à « travailler comme si » la situation demeurait classique, préparant les équipes à faire, défaire et refaire. Tardive car elle réduit la mission d’enseignement à une variable d’ajustement du fonctionnement de l’université, confirmant pour les enseignants-chercheurs et les enseignants, déjà très éprouvés par ces dernières semaines, l’hypothèse de « vacances apprenantes » évoquée par le ministère.

Irréaliste en raison de la méthode retenue. Dix groupes de travail, auxquels les lignes directrices seront communiquées d’ici le 29 mai et qui devront rendre leurs conclusions (après environ 3 réunions) en moins de trois semaines. Il appartiendra alors aux équipes pédagogiques de s’approprier ce cadre pour le déployer d’ici la fermeture de l’université et alors que la seconde session battra son plein. Le tout, vraisemblablement à distance. Qu’il nous soit permis de douter que la méthode choisie constitue la réponse souple et agile dont notre communauté a besoin. La méthode déployée par la Présidence pour la rédaction du Projet d’établissement a montré en quoi la multiplication des « GT » est chronophage, énergivore et ne donne aucune prise réelle aux participants et à la communauté sur le résultat final.

À l’opposé, nous avons proposé à plusieurs reprises une solution construite sur la confiance et la subsidiarité, invitant la Présidence :

  • à poser une feuille de route indiquant notamment la manière dont l’université envisage le numérique et les solutions demandées dans le temps : Est-ce une solution ponctuelle ? Une première étape d’un projet plus ambitieux ? Quels seront les moyens déployés au niveau central pour assister les équipes administratives et pédagogiques dans le déploiement de ces solutions ?
  • à co-construire avec l’ensemble des directeurs et directrices de composante les décisions concernant les aspects financiers et statutaires, tout en laissant les questions pédagogiques aux… équipes pédagogiques,
  • à prendre en charge quelques aspects transversaux (comme les relations internationales ou les solutions que l’on peut apporter concernant le travail et le paiement des vacataires – point mort des réflexions à ce stade),
  • à faire confiance aux équipes pédagogiques plus à même de trouver des solutions opérationnelles pragmatiques et correspondant à leurs domaines de formation. Elles sont en effet les plus aptes à réduire au maximum les effets possiblement démobilisateurs de l’enseignement à distance et à pouvoir pédagogiquement ajuster au mieux le suivi proposé, la forme et le degré d’hybridation des formations ainsi que les modalités d’évaluation.  

Si l’on entend faciliter le travail des équipes et des étudiants, il importe très rapidement de déterminer les conditions sanitaires d’accueil. Ici, les atermoiements du ministère ne rendent certes pas la tâche aisée. Mais l’Université Lumière Lyon 2, en tant qu’opérateur autonome, a toute latitude, dans le respect de la loi, d’affirmer sans attendre quelques grands principes (construits à partir des règles sanitaires applicables et affinées dès que l’on connaîtra précisément le cadre réglementaire).

Il n’est ainsi nul besoin d’attendre les consignes du ministère pour affirmer qu’un semestre « principalement à distance » requiert de mettre en œuvre le contrôle continu intégral afin de limiter le nombre d’épreuves, d’alléger la fin du semestre et de rendre sa crédibilité à l’évaluation (à rebours de la session de mai…).

De même, il n’est nul besoin d’attendre l’avis du ministère pour constater qu’il parait impossible de travailler à calendrier constant. L’annonce d’un report de la rentrée (ne serait-ce que de deux semaines) soulagerait dès à présent le travail de l’ensemble des équipes, tout en donnant un cadre clair d’organisation aux étudiants.

La combinaison de ces deux premiers principes doit permettre d’envisager un traitement différencié de nos publics. Le besoin d’accueillir les L1 est largement admis ; l’accueil des formations professionnalisantes doit aussi être favorisé (M2 notamment). Il faut également affirmer clairement que l’ensemble des publics doit bénéficier du présentiel, lequel devra être proposé au maximum de ce qui s’avèrera possible. Il n’est pas admissible, au nom d’une reapolitik financière et d’un pragmatisme du bon sentiment, que seuls les plus fragiles soient accueillis en présentiel. Les publics fragiles doivent recevoir un surplus de soutien afin de les accompagner et de leur apporter une réelle plus-value, mais c’est bien l’ensemble des étudiants qui doit pouvoir venir à l’université et être formé de façon satisfaisante.

Il n’est également nul besoin d’attendre pour d’ores et déjà adapter les dispositifs à la réalité de la vie de nos étudiants et de notre université : choix du maintien d’un emploi du temps étudiant (peut-être différent de l’emploi du temps « ADE » ou « OSE », car les outils servent et s’adaptent, ils ne gouvernent pas), concertation avec les équipes pédagogiques sur les outils à privilégier pour leurs domaines de spécialité, information précise donnée aux enseignants-chercheurs sur la prise en compte de ces évolutions dans leur service.

Il est grand temps que Lyon 2 devienne une université souple dans son fonctionnement, décentralisée et confiante. Ce n’est pas par une procédure lourde et centralisée que nous y parviendrons. Les mesures concrètes que nous proposons permettront à notre communauté de reprendre le contrôle de son destin et de sa capacité à dessiner son avenir.

Plus que jamais, c’est ensemble que nous changerons Lyon 2.